Tout est normal.

Tout est normal sauf que je m'ennuie.
Ce nouveau quotidien ne me remplit plus.
Ce nouveau réel ne me remplit pas.
Tout est normal car j'aime Caroline et Louise.
Tout est normal sauf que la tristesse ne partira
plus jamais et que ma Suzanne ne reviendra
plus jamais. Tout est normal sauf que le monde,
la vie se sont ouverts à moi, que le plein
est toujours fait de vide, mais que ce vide
se remplit désormais de petites substances
joyeuses qui me redonnent un peu de souffle.
Ce souffle est court mais bel et bien là.
Tout est normal sauf que les matins sont
toujours tordus et arides, ils me font croire
dans ce temps infime où les yeux sont
encore fermés ou ouverts, je ne sais
plus très bien, que Suzanne est encore là.
Ce temps est court, à peine le temps
de compter jusqu'à deux, qu'elle est
déjà repartie. Ou plutôt qu'elle
n’est jamais revenue. Ces matins-là
rient de moi. Moi je pleure d'eux encore
et encore.

Chaque matin me tord le ventre encore
et encore mais ça y est, je crois avoir
compris ce petit stratège maléfique.
Et j'arrive, enfin à faire taire ce mal en
m'imaginant ce pain au chocolat chaud
qui m'attend. Ce petit rectangle
tiède qui est en train de me sauver
du mal et peut être de me sauver la vie.
Si j'avais su...
Les petites choses ont souvent le pouvoir
de détruire les grandes choses si elles
trouvent refuge avec patience et confiance
dans ce combat aveugle... Je me bats
toujours bien sur mais plus pour
la même raison. Je ne me bats plus pour
cette mort injuste et infâme. Je sais bien sur,
et plus que jamais, que "cette mort"
ne se transformera malheureusement
plus jamais "en vie". Maintenant, je ne me
bats que pour elle, simplement pour elle.
Pour qu'elle m'entende, qu'elle soit fière
de mes cris, de mes larmes, de mes mots,
de mes rires, de mes danses, de mon appétit
d’ogre, de mes drôleries que j'aiguise
un peu plus chaque jour car l’humour
est ma meilleure arme et je sais que tu
entends les rires où que tu sois. Je voudrais
tant que tu entendes toutes ces bouches
se déployer que j’essaie de faire hurler de rire.
J’aimerais tant que tous ces rires te réveillent
et te redonnent vie. Je me bats aussi pour
garder cette lucidité que tu m'as offerte.
Je me bats pour garder les yeux ouverts.

Tout part peut être de ce pain au chocolat.
Tout part de ce plein de petits riens qui
mis bout à bout, formeront un jour, un tout.

J'arrive un peu plus chaque jour à bousculer
cette "infâme-tristesse" qui s'est logée en moi,
pour laisser de la place à la vie. Je ris un peu
plus aujourd'hui car je sais qu'au fond la joie
finira par trouver sa place avec humilité
et délicatesse dans ce corps détruit et abîmé
par cette tragédie indélogeable. Tu me
dégoûtes "infâme-tristesse", mais ne pars
pas tout de suite, je t'en supplie, car tu me
donnes de la joie. J'ai besoin de toi encore
et encore, car sans toi, la joie n'existe pas
et puis ce serait bien trop facile de gagner
cette bataille avec si peu d'effort.

Paris,
1 décembre 2015

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