Troubles.
2014.
C’est un film. On en connaît le scénario : 
il est tapi à l’intérieur de chacun de nous. 
Il ramène la route à la nuit, à des terreurs 
d’enfance, à des espaces qui ne montrent 
que la surface des choses, mais en-dessous,
il sourd tout le danger du monde. 
Toute surface porte en elle une dangerosité. 
L’autoroute, elle, l’étale. A killer on the Road. 
Des pas dans la neige. L’absence de bruit 
sinon la fréquence du passage des voitures, 
ça, on ne s’y habitue pas. On ne sait plus. 
On ne sait plus très bien si l’on préférerait 
qu’il n’y ait personne, pas un chat, ou si l’on 
se surprend à craindre chaque véhicule qui vient, 
pour ce qu’il porte d’inconnu, de danger.
Il est seul, ce paysage sur lequel se lève l’aube. 
Il est aussi seul que nous, et cela, ça n’est 
pas admissible. C’est la première sensation 
que nous avons eue enfant, quand nos parents 
ont pris la voiture pour partir. On s’est endormi sur 
la plage arrière de la voiture, et on s’est mis 
à rêver de fuite. À l’extérieur, chaque signe nous 
menaçait, le monde nous courait après, 
ne nous laisserait pas nous en sortir vivant. 
They Drive by Night. Les Amants de la nuit. 
La Nuit du chasseur. 
Rencontres du troisième type. 
Canada. Thieves Like Us. 
Les Fugitifs. Ghost On the Highway. 
Il y a tout le cinéma américain, toute la littérature 
américaine, tout le folk américain dans 
les yeux semi-terrifiés de la fille de Julien Magre.
Il y a l’image même de ce sentiment qui est la peur, 
cette peur qui est comme un changement 
de dimension en nous. L’autoroute, soudain trop 
d'espace, trop de perspectives, des paquets 
de masses sombres, ou les yeux d'un animal 
éclairé plein phares. A-t-on rêvé où avons 
nous réellement croisé le regard d’une biche, 
A-t-on rêvé ou celle-ci nous a souri ?
La nuit est devenu soudainement caressante, 
les sons se sont fait protecteurs, on s’est 
enfoncé dans la route, mes parents et moi, 
dans le moelleux de cette route pleine de rêve.
Au petit matin, le monde est froid et humide. 
La terre est gelée, les bois sont silencieux, on entend 
le moindre craquement, comme toujours il fait 
un froid de loup. Encore une autre journée à fuir 
(la police ou l'ennui de n'être que ça, un enfant 
de sept ou huit ans qui rêve d'aventures, partout), 
et d'autres crimes silencieux à venir, de bêtes à éviter, 
de barbarie à défaire. Encore une journée à s’inventer 
une vie à toute berzingue, à se rêver gangsters 
ou jeunes mariés, vacanciers ou rois de la route. 
Encore une journée américaine… 
La balade était sauvage. 
Merci, Papa, merci, Maman.
Philippe Azoury
2014
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Au même sous-sol, une série de Julien Magre 
court sur une table sinueuse, comme une promenade 
cinématographique. Né en 1973, Magre met en 
scène sa famille dans le projet Troubles, façon 
road-movie. Enfants photographiés la nuit à l’arrière 
de la voiture, espaces pique-nique déserts la nuit 
et légèrement cabalistiques, façades arrières d’hôtels: 
son regard provoque autant de fictions qu’il y a 
d’images. Qu’imagine-t-on quand on est un gosse 
embarqué par ses parents dans un voyage dont 
on ne comprend guère le but ? Le résultat est à 
la fois intimiste (sommeils, neiges) et fantastique, 
embrasant dans des rouges lynchiens des membres 
fantômes et des feux follets. Au milieu de la série, 
un écran d’ordinateur sur lequel se projette 
une constellation de taches (on est loin de 
l’autoroute) rappelle la dimension spectrale 
du projet.
Eric Loret, Libération – 24 octobre 2014 
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Matthias Pasquet m'a assisté tout 
au long du projet.
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Cette série a été présentée au Bal, à Paris
lors de l'exposition collective "S'il y a lieu
je pars avec vous".
du 11 sept au 26 oct 2014.
Avec Sophie Calle, Alain Bublex, Stéphane
Couturier et Antoine d'Agata.
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La bande son, accompagnant la série 
a été composée spécialement pour 
l'événement par Julien Perez :
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
