Exposition collective.
Nuit Américaine.
Avec Laure Vasconi
Création sonore de Valéry Faidherbe.
Texte accompagnant l'exposition de Serge Kaganski.
Coordination d'Emmanuelle Walter.
Coproduction La Filature.
Je remercie Florian Tiedje/l'Atelier 9 pour les cadres, 
Janvier pour les dos bleus, Fred Jourda/Picto pour 
les tirages, Johanny Melloul pour le dessin 
du générique et Pagination pour l'impression
du 16 pages.
D’un côté la nuit, ses ombres, sa pénombre. 
Dans les interstices de ces ténèbres, un rai de 
lumière révélant de fugaces apparitions : 
pan de mur, ligne de palmiers, porte, corridor, 
costumes, chaussures, accessoires, effigie, 
masques, mannequins, tréteaux, cintres, 
machineries… Laure Vasconi a baladé ses objectifs 
dans les grands studios de cinéma à travers 
le monde, mais en dehors de l’action, des heures 
de travail, du bourdonnement humain, flashant 
ces ruches en période de sommeil, ces usines 
à rêves en pleine léthargie. Saisissant ainsi des 
fantômes et des spectres, du vide, de la béance 
apte à être emplie par les fantasmes du spectateur, 
elle a capté par la photo une dimension essentielle 
du cinéma, art spectral, jeux d’ombres et de 
lumières projetées. Ses images immobiles mais 
tremblées, comme prêtes à se mettre en 
mouvement, déclenchent d’emblée des films 
imaginaire dans l’esprit de celui ou celle qui regarde.
De l’autre côté le jour, sa lumière solaire, d’une 
clarté presque aveuglante, qui découpe les ombres 
avec netteté. Sous cette chaleur brûlée, des 
terrasses vides, du linge qui sèche, un chapiteau 
endormi, une piscine déserte, un toboggan 
aquatique, des flamands roses en stuc, un manège 
à l’arrêt, des tables et sièges qui attendent leurs 
occupants comme s’ils attendaient Godot… 
Julien Magre a promené ses appareils dans un 
parc d’attraction de Dakar, un jour de fermeture. 
A quoi ça ressemble, un Disneyland africain en 
dehors des jours ouvrables ? Précisément à çà… 
une ville à l’abandon, un studio de cinéma en 
«vacance», un lieu vidé par la guerre, 
un décor de film après tournage, une scène 
de blockbuster-catastrophe après passage des 
aliens, une ghost town américaine, Miami un 
jour de Superbowl, une case muette de Loustal… 
Cet «ici et maintenant» de Dakar, Sénégal, 
suscite dans le cerveau de celui ou celle qui 
regarde tous les films vus ou rêvés, toutes 
les images de «là-bas, hier, demain».
L’Afrique diurne de Julien Magre et la planète 
studio nocturne de Laure Vasconi se parlent, 
se répondent, se télescopent, s’alternent 
comme la lumière et l’obscurité 24 fois par 
seconde dans le processus désormais ancien 
du cinéma. Les deux séries parlent la même 
langue d’un film virtuel, prêt à jaillir entre les 
images, creusent l’imaginaire par les mêmes 
processus : la désertification humaine, l’absence 
de vie, mais aussi la trace, le vestige, la ruine de 
ce que l’on devine avoir été, hier ou il y a cinquante 
ans. S’il y a du cinéma dans ces photos, c’est parce 
que le cinéma hollywoodien fut et reste le plus 
puissant et universel pourvoyeur d’inconscient 
collectif. La nuit hollywoodienne diffuse partout, 
infuse toutes les images, aussi bien à Hollywood 
qu’à Dakar, Le Caire, Rome ou Babelsberg. 
La nuit américaine, c’est aussi ce procédé du 
cinéma qui crée l’illusion de la nuit en plein jour. 
La nuit de Laure Vasconi appelle en creux le jour 
qui finira bien par se lever alors que le plein soleil 
de Julien Magre invite au «day for night» 
(«nuit américaine» en vo). La nuit de Laure 
aurait-elle pu être créée en plein jour de Julien ? 
Cette exposition suggère cette fiction, révélant 
les liens qui unissent ces deux travaux par-delà 
leurs irréductibles singularités… La photo, comme 
le cinéma, c’est toujours du temps suspendu, 
du passé, le beau linceul de ce qui a été. A charge 
pour le visiteur de redonner vie et mouvement 
à ces images, de combler leurs points de suspension, 
de les habiter avec son propre présent. 
Serge Kaganski
2014
La Filature. Mulhouse.
EXPOSITION 
Septembre — Octobre 2014
