La robe et la main.
"La robe et la main" est le résultat édité du 
travail de la résidence menée pendant quatre 
mois en 2018 par Julien Magre. Le photographe 
répondait à l'invitation du PMU à porter son 
regard singulier sur l'univers du cheval. 
De l'effervescence qui règne dans les hippodromes 
au moment du départ de la course, 
immédiatement suivie par les cris d'encouragements 
des parieurs qui semblent pousser les chevaux 
dans leurs incantations, on ne verra rien. 
Pas plus des parades vestimentaires d’un public 
issu de la haute bourgeoisie, véritable défilé 
d'une mode indissociable des champs de courses, 
rituel des tenues d'apparat à Chantilly ou à Longchamp. 
En faisant le choix d'aborder le monde hippique 
par les coulisses, Julien Magre revisite par l'intime 
les lieux emblématiques que sont Chantilly 
et Grosbois, y révélant par une narration à la fois 
muette et immobile un univers calme, attentif, 
ritualisé, emphatique, d'une douceur emprunte 
de nostalgie qui apparaît dans les clairs-obscurs, 
les paysages, les détails, les regards, les corps. 
Le photographe montre le quotidien d'un monde 
qui se situe à l'opposé des images que véhiculent 
les représentations classiques des courses 
de chevaux. Loin de la performance physique 
de vélocité, on décélère, on ralentit, on écoute, 
on prend soin, à contre-courant d'une époque 
où l'injonction de rapidité semble se confondre 
avec la notion d'efficacité. Surtout, il place 
au centre du récit la relation étroite qui se noue 
entre cavalier-ères et chevaux, explorant 
la frontière entre l'intelligence humaine 
et l'instinct animal.
 "À travers la photo, j'ai la chance d'avoir trouvé 
le langage pour raconter l'intime" précise 
Julien Magre, dont le travail est habité 
par sa famille, protagoniste d'une œuvre 
qui questionne de manière obsessionnelle 
les thèmes de l'amour filial, la transmission, 
la trace, ce qui semble expliquer l'atmosphère 
fraternelle qui traverse "La robe et la main". 
Dans l'ouvrage, seuls les textes du compositeur 
et musicien Julien Perez sont autorisés à côtoyer 
les images. Ponctuations en mode mineur 
brodant un récit guidé par les dérives imaginaires 
qui partent de l'image, ils forment des cartels 
poétiques et déstructurés, clin d'œil amusant 
répondant à l'absence de légende dans l'œuvre 
de Julien Magre : "Trouver les mots les plus justes 
possibles pour exprimer une émotion intérieure. 
Mes photographies ne sont pas légendées. 
Mais les mots, les textes m’aident à analyser 
les choses." Cette suite photographique est 
la première œuvre qu'il compose (presque) sans 
la présence de sa famille depuis le décès de 
sa fille Suzanne, emportée par la maladie à l'âge 
de sept ans. Dès lors, la narration par l'image 
est devenue pour lui une manière d'échapper 
à une réalité de la destruction, une conjuration 
par le récit photographique. Absente, la famille 
semble pourtant s'incarner dans les gestes, 
les attitudes d'individus qui attestent du respect 
qu'ils ont pour leur monture chaque jour. 
Un quotidien que vient magnifier les photographies 
de paysages, l'inscrivant dans un environnement 
naturel sublimé, un Olympe hippique. La force 
du lien qui unit ici l'homme et l'animal, contenue 
dans le titre même du livre, est rendue tangible 
par l'obsession de la famille, envisagée par 
le photographe comme le refuge, l'abris, la seule 
et unique patrie. Photographe du présent, 
Julien Magre envisage l'existence de l'image par 
le livre, objet photographique à la narration 
évidente, réminiscence de l'album de famille, 
ouvrage transportable, appropriable. 
Guillaume Lasserre, pour Médiapart, 
extrait, novembre 2018
Résidence PMU 2018
76 pages.
165 photographies en couleurs.
Texte de Julien Perez.
Filigranes éditions.
novembre 2018.
