Je n'ai plus peur du noir.
Si l’œuvre photographique de Julien Magre
s’inscrit dans un parcours biographique
– ses séries relevant de la chronique familiale
et amicale –, elle possède aussi une dimension
filmique qui surgit dans la (re-)construction
de lieux singuliers et évocateurs comme la forêt.
Troubles, paru en 2015, était une fiction
le long d’une autoroute dans un climat d’angoisse
nocturne. Je n’ai plus peur du noir est un dur retour
à l’existence dans ce qu’elle a de plus inacceptable?:
l’indicible expérience de la perte d’un enfant,
Suzanne, âgée de 7 ans, atteinte d’une leucémie.
«J’ai vu ma fille mourir sous mes yeux,
il faisait beau ce jour-là», écrit Julien Magre
sur son site. Le livre reprend cette dualité entre
la mort et la vie: deux séquences se succèdent,
l’une volontairement obscurcie, la suivante
nimbée par la lumière de l’été et des vacances.
Au milieu du livre, une page noire et une page
blanche. Cette métaphore du passage de l’ombre
à la lumière s’accompagne de captations
photographiques privilégiant le poids des choses
et des moments. Les premières images
de paysages brumeux, assombris, aux teintes
étouffées, installent un climat de pesanteur
existentielle. Suivent les photographies prises
par Julien Magre avec Suzanne.
L’univers hospitalier y est mis à distance
au profit d’une attention poétique aux
objets de l’enfance. On retrouve le ballon
rose des séries précédentes, mais son caractère
ludique et léger est rendu grave par le traitement
en noir et blanc. Des visages apparaissent,
des gestes se produisent dans la pénombre,
une solitude absolue est ressentie, en même
temps que les liens forts qui rapprochent
les membres de la famille. «Papa, depuis que
je suis à l’hôpital, je n’ai plus peur du noir»,
écrit Julien Magre, dans le poème Le jour d’avant.
Anne Immelé,
novembre 2016
pour Art Press magazine.
110 pages.
67 photographies.
noir et blanc couleur.
Filigranes éditions.
co-production: d&b.
septembre 2016.